Le nez

Tentative de monologue 01

 

Je vais vous raconter une aventure assez singulière

Pourquoi singulière? Parce qu’elle est unique.

-          J’aurais bien pu vous raconter la fois ou je m’suis mordu la langue en mangeant.

-          Ça vous est déjà arrivé?

-          Ça fait mal hein?

-          Mais ce n’est pas unique.

-          C’est une aventure plurielle, parce que

-          Ça nous est tous arrivé. Tandis qu’une aventure singulière ça a ceci de singulier, ça n’arrive qu’une fois, C’est incomparable.

-          Donc, un soir que je m’en allais au dépanneur, je suis arrivé nez à nez avec un nez.

-          Oui, un nez, un nez tout seul, avec rien autour pour le supporter.

-          Vous vous dites sans doute que ça n’a pas de sens, un nez comme ça, tout seul sur la rue.

-          C’est ce que je disais, si vous n’y croyez pas c’est que ça ne vous est jamais arrivé, d’ou la singularité de l’événement

-          Et pourquoi ça ne se pourrait pas, tout le monde a déjà rencontré une langue de vipère, non!

-          Et un nez, ça a du sens, non?

-          Pour en revenir à mon nez, j’ai quand même été surpris.

-          Il faisait une promenade. À l’époque me raconta-t-il d’une voix nasillarde, il n’était pas seul, il était au complet, il avait du corps.

-          Soudainement, il a flairé qu’il était suivi, il a jeté un œil derrière lui le temps d’apercevoir deux types qui s’approche en courant.

-          Il a pris les jambes à son cou.

-          Un peu plus loin il a vu un policier et il lui a envoyé la main pour lui faire signe mais sans succès, et il l’a perdue.

-          Il est entré dans une ruelle et s’est caché en arrière des poubelles.

-          Il avait tellement peur qu’il s’en arrachait les cheveux sur la tête.

-          A un moment donné il est sorti de sa cachette puis il a aperçu les deux gars qui barraient chaque côté de la ruelle.

-          Les deux bras lui en sont tombés.

-          Il ne pouvait plus jouer du coude pour s’en sortir.

-          Il n’avait plus le choix il en est venu au corps à corps.

-          Hélas il a perdu.

-          La panique lui a fait perdre la tête.

-          Et heureusement d’ailleurs : ça lui a permis de passer inaperçu.

-          Et c’est comme ça qu’il se retrouve devant moi incapable de retourner sur ses pas pour récupérer ses morceaux.

-          Je lui ai demandé s’il les connaissait ces deux gars-là?

-          Oui dit-il : deux pushers à qui je devais pas mal d’argent, je suis cocaïnomane.

-          Vous auriez dû appeler la police.

-          Je ne suis pas un mouchard.

-          Tant pis pour vous. Et je suis parti.

-          Bien sûr j’ai eu des remords. Lever le nez sur quelqu’un qui a besoin d’aide, ce n’est pas très courageux.

-          Ça m’a pris un bout de temps pour m’en remettre.

-          Chaque fois que j’avais le rhume je pensais à lui.

-          Quand on dit que le monde est petit, c’est bien vrai.

-          Il y a quelques semaines, j’étais au restaurant.

-          J’aperçus un gars qui était à une autre table et qui me regardait avec un grand sourire.

-          Son visage me rappelait quelque chose. Du moins en partie.

-          C’était lui, Le Nez.

-          Il s’est approché de moi. J’étais gêné.

-          Je me suis excusé de l’avoir laissé tomber quand il avait besoin d’aide.

-          Il me dit que ce n’était pas grave.

-          Il me raconta alors, que lorsque je l’abandonnai à son sort, un gamin qui passait par là le propulsa d’un coup de pied sans même s’en rendre compte sur le seuil d’un centre de désintoxication

-          Puis il fut admis dans le groupe.

-          Ce soir-là ils célébraient sa première année d’abstinence.

-          Vous voyez je ne suis pas seul : tous les membres m’accompagnent.

-          Félicitation! ça n’a pas été trop difficile j’espère.

-          Oui ça été dur au début, mais je me suis débarrassé de toutes les crottes que j’avais, de plus ça m’a permis de nous retrouver.

-          J’inspirai par le nez, me demandant si j’aurais eu le courage d’en faire autant.