Crépuscule

Thème: Assis près de ...

 

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé relaxer sur les bancs de parcs à la tombée du jour, et ce n’est sûrement pas celui que les journaux surnomment l’assassin des espaces verts qui va m’empêcher de continuer à profiter de ce moment de détente. Je serais quand même capable de me défendre si jamais il osait s’attaquer à mon évasion quotidienne.

La preuve, c’est qu’hier lors de mon apaisement quotidien au parc des tulipes bleues, un étranger est venu s’installer effrontément à côté de moi sur mon banc. Comme je suis d’une nature bienveillante, je n’ai rien dit puisque tous le monde a le droit de profiter des agencements de verdure que la ville aménage pour notre bien-être collectif. Cependant je dois avouer que les derniers évènements violents décrits dans les quotidiens à sensations concernant le psychopathe de la nature, me font redoubler de vigilance face aux inconnus.

Quoiqu’il semblât innocemment consulter ses messages et textos sur son cellulaire, je lui trouvai un air louche qui me mit sur mes gardes. Quand je me retournais pour le regarder, il semblait fuir mon regard simulant une intense observation de son écran. Afin de lui donner le change, je sors de mon sac à dos, un guide touristique de la ville que je garde toujours avec moi afin de trouver des endroits que je ne connais pas dans mon environnement natal.  C’est curieux comme on ignore toutes les places intéressantes situées près de là où l’on vit.

Je consulte ma brochure distraitement d’un seul œil afin de pouvoir scruter mon voisin de l’autre. Il a vraiment l’air inoffensif, ça le rend encore plus suspect à mes yeux. Afin de me faire une idée plus précise sur ce pseudo flâneur, je range le plan de la ville dans mon sac, puis j’extrait le journal du matin en prenant soin de bien exposer la première page qui titre en gros caractère L’assassin des espaces verts exécute une cinquième victime. Et en sous-titre, Que fait l'inspecteur Dubreuil?

Son trouble est immédiat. Dès que je lève les yeux vers lui, il tourne la tête et quelques gouttes de sueurs se mettent à dégouliner de son front tandis que son nez et ses lèvres se mettent à trembler légèrement. Je jette un coup d’œil autour de nous pour m’apercevoir que nous sommes seul, lui et moi, dans cette partie du parc, ce qui ne fait qu’augmenter mes inquiétudes. Lorsque mon regard revient vers lui je vois bien à sa mine patibulaire qu’il se demande comment faire pour m’éliminer et ainsi accroître son triomphe médiatique. Mine de rien, je pose mon sac sur mes genoux, ainsi je pourrai peut-être m’en servir pour me défendre d’une éventuelle attaque. J’y glisse lentement le journal que j’ai replié quand mes doigts tâtent un corps dur et froid tout au fond. Voila ma chance, j’avais oublié ce couteau de chasse que je n’ai pas encore ranger depuis ma dernière excursion en forêt et je m’en félicite.

Rassuré je dévisage ce sale déséquilibré tout en ayant bien soin de me tenir prêt à défendre chèrement ma peau. Soudain il se lève et fait mine de mettre son cellulaire dans la poche intérieure de sa veste. Mon réflexe de défense est sans appel, je m’empare de mon poignard et le plante directement dans la poitrine de ce massacreur, qui, terrassé, s’écroule sur le sol.

Bien qu’ayant survécu à ce terroriste je suis quand même triste à l’idée que pour la sixième fois ce mois-ci, je devrai partir à la recherche d’un nouveau parc, ou je pourrai enfin me sentir en sécurité.