Le jour de la roulotte Thème: Un fait vécu qui a changé votre vie
À l’été 1964, j’avais 12 ans et je m’ennuyais. Eh oui! À cette époque il était permis de s’ennuyer. Je venais à peine de terminer le délicieux sandwich au baloné que madame Caron, la voisine qui s’occupait de nous, mon frère et moi, pendant que ma mère était à son travail, nous avait méticuleusement préparé. Je décidai donc d’aller faire un tour du côté du parc Chambord qui n’était qu’à trois coins de rue de chez nous. Est-ce que Serge mon meilleur ami y était? Il n’y était pas, cependant j’aperçu sur la pelouse près du terrain de baseball, un groupe de personnes qui s’affairaient à ouvrir la merveilleuse roulotte qui parcourait les parcs de Montréal pour y présenter un spectacle à la brunante. Cette année-là on y présentait Pierre et le loup, je vous en donnerai quelques détails un peu plus tard. Comme je me dirigeais vers ce mini chantier, une fille d’environ 18 ou 19 ans m’interpella pour m’inviter à me joindre au groupe qu’elle animait. En acceptant, je n’avais pas idée des répercussions que cette action aurait sur ma vie. Les jeux qu’elle nous proposait m’emballèrent : Simuler la démarche de certains animaux, en imitant leurs langages sauvages. Mimer des expressions en portant des masques, inventer des histoires, etc… Chez moi, j’étais considéré comme un clown, un showman disait mon père, mon absence d’inhibition faisait de moi un enfant spontané, surprenant et sympathique. Il est donc inutile de vous dire à quel point je me suis investi dans ces jeux de rôle. L’animatrice, surprise par l’intensité de mon implication dans ces jeux, démontra un ravissement face à ma capacité de jouer qui me fit découvrir que je pouvais aussi amuser des inconnus. Bien sûr, au début ce fut mon égo qui fut flatté, mais ma jeunesse fit que je m’amourachai de cette jeune fille qui appréciait ce que je faisais. Le même soir j’assistai, au spectacle de la roulotte. Le conte symphonique de Sergueï Prokofiev ponctué par le jeu corporel des acteurs dirigé par nul autre que Paul Buisonneau, soulignant la narration ainsi que la musique de cette œuvre illumina mon imagination déjà ouverte à la découverte. Quelques jours plus tard, la roulotte passait par le parc Jarry. J’ai donc décidé de m’y rendre pour reparticiper à l’atelier que la même animatrice donnait en après-midi. Malheureusement, la déception fut grande. Non seulement je connaissais déjà le contenu de l’atelier, mais l’animatrice semblait ne pas se soucier de ma présence. Et elle avait raison, la spontanéité n’y étais pas. Je retournai donc chez moi, imaginant qu’elle ne m’appréciait plus, qu’elle me trouvait même insignifiant comparativement à ma première performance. Ce n’était pas une peine d’amour, mais plutôt une peine d’ego. Malgré tout, l’attrait du jeu théâtral avait réussi à me séduire. Je me suis inscrit à l’activité théâtral de mon centre de loisirs et j’eu la chance de retrouver le plaisir de la spontanéité qui m’avait tellement plu lors de l’atelier de la roulotte. La présentation de notre piécette Le pont du Diable, a regonflé mon ego, mais aussi le plaisir d’avoir fait passer un beau moment aux spectateurs qui étaient venu nous encourager. Aujourd’hui, j’ai de bons souvenirs de mes 30 ans au service de la fonction publique du Québec, cependant la trentaine de pièces de théâtre et les sept saisons d’improvisations auquel j’ai participé tout au long de ma vie, m’ont procuré une intense satisfaction en me permettant de m’évader du quotidien tout en vivant des aventures qui ne sont pas les miennes. Et c’est avec tristesse que j’ai appris qu’il n’y avait pas d’activités de théâtre pour adulte à Drummondville depuis les deux ans que je m’y suis installé.
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